
L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin n’était plus apparu ainsi dans le champ politique depuis près de quinze ans, depuis cette candidature avortée à la présidentielle de 2012, depuis ses discours de feu et ses silences épais. Aujourd’hui, il revient. Plus exactement, il s’avance.
Il vient de lancer un nouveau parti, « La France humaniste », à deux ans de l’élection présidentielle.
« J’ai décidé de créer un mouvement d’idées, de citoyens, à travers la création d’un parti politique », a-t-il confié dans une interview au Parisien. Un mouvement qui se veut ouvert à tous, avec déjà plusieurs implantations locales, et la certitude, dit-il, de pouvoir obtenir les 500 parrainages nécessaires, fort des « soutiens et encouragements » reçus.
Il promet « de restaurer la fonction présidentielle, pour un chef de l’État arbitre, garant des institutions et inspirateur de la nation », une manière de rappeler qu’il incarne, à ses yeux, une idée de la présidence qui s’éloigne du tumulte quotidien.
À 71 ans, Dominique de Villepin publie simultanément un nouvel essai, Le pouvoir de dire non (Flammarion), qu’il dédicace ce jeudi à Châteaudun, après une série de visites de terrain. « Je viens enrichir mon regard, ma vision », a-t-il expliqué dans cette ville d’Eure-et-Loir. Un retour au contact de la France réelle, loin des tribunes diplomatiques, mais non sans arrière-pensée stratégique.
Depuis son départ de Matignon en 2007, il dit avoir eu « dix-huit ans pour réfléchir, tirer les leçons, oublier tout orgueil et ambition personnelle ». Il se veut porteur d’un message de rassemblement au-dessus des querelles, dans une droite fracturée entre les tensions internes à l’UMP, l’affirmation d’une extrême droite et le réveil d’un centre-droit qui rêve d’autonomie.
Il n’a pas évité, pour autant, les piques au passage, notamment à Bruno Retailleau qu’il a appelé à « plus de professionnalisme et moins de surenchère sur les plateaux télé », évoquant la gestion de la crise avec l’Algérie et la question des OQTF.
La question demeure : un homme change-t-il ? Peut-on revenir dans l’arène sans renouer avec l’orgueil de la conquête ? Peut-on incarner sans vouloir prendre ? Peut-on, après le pouvoir, se contenter de l’inspiration ? Dominique de Villepin, l’homme du discours à l’ONU contre la guerre en Irak, l’ancien ministre des Affaires étrangères, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, veut croire qu’il peut encore porter une voix différente dans le débat public français.
Il le fait dans une époque où le verbe se dissout dans le vacarme, où l’idée d’une présidence arbitrale paraît presque archaïque, et où les appels à l’« humanisme » peinent à rivaliser avec les slogans. Et pourtant, sa démarche, ses déplacements, son livre, son parti désormais nommé « La France humaniste », sont là.
Les sondages le confirment : il bénéficie d’un regain de popularité, même si l’écart entre popularité et intention de vote reste abyssal dans une France habituée à confondre l’image et le pouvoir.
Dominique de Villepin veut croire à un retour par le haut. À la possibilité d’un sursaut. À un espace pour la parole posée dans un monde d’immédiateté.
Il veut croire qu’après dix-huit ans de silence, le moment est venu de « dire non » à ce qui abîme le débat public, de dire oui à une certaine idée de la France.
La France écoutera-t-elle ?
Elle a parfois la mémoire courte, mais elle n’oublie jamais ceux qui savent parler d’elle.
Fiche synthèse:
Nom : Dominique de Villepin
Âge : 71 ans
Fonctions passées :
– Premier ministre (2005-2007)
– Ministre des Affaires étrangères (2002-2004)
Nouveau parti : « La France humaniste » (2025)
– Objectif : « Restaurer la fonction présidentielle »
– Positionnement : Droite républicaine, gaulliste, humaniste
– Déjà plusieurs implantations locales
Livre : Le pouvoir de dire non (Flammarion, 2025)
– Thème : Souveraineté, indépendance, responsabilité
– Moyen de relancer sa parole dans le débat public
Contexte :
– Regain de popularité dans les sondages (pas encore mesuré en intentions de vote solides).
– Critique le manque de hauteur de la droite actuelle, notamment Bruno Retailleau.
– Mise sur la posture d’arbitre, garant des institutions.
– Capitalise sur son image d’homme d’État et d’opposant à la guerre en Irak.
Dernière actualité :
– Visite à Châteaudun (Eure-et-Loir) le 3 juillet 2025, rencontres locales, dédicaces, entretiens avec la presse.
Analyse :
Villepin table sur le déficit d’incarnation et de hauteur dans le débat public.
Risque : posture gaullienne déconnectée des réalités sociales et économiques actuelles, absence de propositions concrètes sur le pouvoir d’achat, les retraites, le chômage, la crise des banlieues.